Le voyage continue....loin, très loin....
Le cerf baissa la tête, dardant ses bois dans ma direction. La dernière
vision que j'aurai de ce monde sera celle d'une magnifique bête sauvage
ruant au milieu d'une clairière illuminée par un soleil radieux.
Et ce fut le choc. Mes yeux s'embuèrent, tout devint sombre, puis noir.
Je devais être mort.
Un soubresaut me fit revenir à la réalité. J'ouvris lentement les yeux.
J'avais très mal au crâne.
A ma grande surprise je remarquai que je n'étais pas mort. J'étais même
bien vivant, une douleur lancinante dans le ventre se chargea bien de
me le rappeler. Plus surprenant encore, j'étais couché au travers du
dos du cerf, et le roi de la Forêt galopait sans relâche, slalomant
entre les chênes, les hêtres et les bouleaux.
Alors que j'essayais de me redresser, une branche vint me fouetter le visage, laissant couler un mince filet de sang.
La bête filait à une allure incroyable. On traversait des forêts et des
plaines, sautant par-dessus fleuves et rivières, survolant les monts
enneigés et les mers étincelantes. Le temps et l'espace ne semblaient
avoir aucune prise sur les sabots brumeux du cerf. Et il galopait
inlassablement, les nuits succédant aux jours, la lune au soleil, dans
un interminable voyage.
Finalement, un soir, alors que le soleil rougeoyant illuminait un
horizon enflammé, nous avons commencé à descendre vers ce qui me
semblait être une ville, immense et lumineuse.
Un peu plus tard, sous un ciel étoilé, les sabots touchèrent les pavés dans un petit bruit cristallin.
Une immense porte fermait l'enceinte de la ville, dominée par une tour
plus haute que tout ce que je n'avais jamais vu, étincelante comme de
l'or.
Alors que j'étais perdu dans ma contemplation, une voix dure et sèche me tira de ma rêverie.
« Qui ose s'approcher des Hautes Murailles de Berlane la Magnifique ? »
Un garde en armure d'argent, trop grande pour lui, était posté près de
la grande porte. Il n'avait pas l'air très amical, ni très enclin à
nous laisser entrer. Mais quand le cerf s'approcha de lui, faisant
jaillir une brume dorée sous ses sabots, le garde se prosterna
immédiatement, pleurnichant un faible « Majesté ». Le cerf releva alors
la tête, ses bois majestueux luisant dans la pénombre.
Le soldat se précipita gauchement à la porte et l'ouvrit dans un grand fracas de métal. Son égo semblait avoir pris un coup.
Le cerf tourna alors ses yeux dorés vers moi et, suivant un appel silencieux, je le suivit à l'intérieur de la cité.
J'avançais prudemment, passant des murailles aussi larges qu'une
maison. Un cliquetis métallique derrière moi me fit comprendre que la
porte venait d'être refermée....