Mais les plus grandes aventures ont une fin...
A mon réveil, ce ne fut pas Elle
que je vis, à ma grande déception...Et pourtant, il me semblait que je
devais la connaître. La créature était assise un petit feu de bois sur
lequel une petite marmite bouillonnait. Je me relevai tant bien que mal
quand elle se leva et se retourna vers moi, me rappelant alors d'où je
la connaissais. C'était Evezhierez. Elle me sourit, puis attrapa une
louche pour verser un peu du contenu de la marmite dans un gobelet d'or
qu'elle m'apporta. Je bus lentement le liquide au goût affreux et lui
rendis le verre en articulant tant bien que mal un faible merci. Elle
me sourit de nouveau, me pris le gobelet et m'aida à me redresser sur
ma couche.
Je me rendis alors compte de l'endroit où j'étais... Une grande tente
circulaire,, d'une toile finement brodée nous protégeait de l'air frais
du soir. La lueur de la lune filtrait à travers les rabats de la tente.
J'étais allongé sur une couche, à même le sol, mais confortable pour
autant. Je distinguais d'autres formes sur le sol, comme moi, allongés.
La bataille me revint alors à l'esprit, ainsi que tout le reste. Le
cerf dans la forêt, la poursuite, le vol, la cité merveilleuse, la
dragonne. Ce dernier souvenir acheva de me réveiller et je voulus
interroger Evezhierez, mais elle avait disparu. Je restais alors dans
l'inquiétude de savoir si elle avait survécu au choc contre la muraille.
Je me rallongeai sur ma couche, espérant trouver le sommeil, mais il ne
voulait désespérément plus de moi. Je songeai à me lever mais les
rabats de la tente s'ouvrirent à ce moment là, laissant entrer la
fraicheur et un homme de grande prestance, couronné d'un mince bandeau
d'or, avec le torque royal autour du cou.
Il vint directement dans ma direction. Derrière lui, Evezhierez était
rentré, ainsi que deux ou trois autres personnes richement vêtues.
L'homme au torque s'avéra s'appeler Banrì Carria et se présenta comme
étant le roi de la cité où j'avais fait irruption quelques jours plus
tôt.
Je compris alors que la cité était vaincue, et que l'armée ennemie
l'avait emporté. Cette nouvelle me déprima tellement que je me suis
affalé dans mes draps.
Pourtant le Roi continuait de parler, comme si de rien n'était, mais je n'écoutais plus qu'à moitié...
Il parlait peut-être depuis cinq minutes déjà quand un doute s'empara
de moi. Il n'arrêtait pas de s'excuser et de me remercier pour je ne
sais quoi. Je l'interrompis alors, pour lui demander ce qu'était devenu
le Roi de la Forêt, le Roi Cerf. Sa réponse me sidéra.
Il était ce même Cerf qui m'avait porté sur son dos et condamné à mort.
Il était le roi vaillant et courageux qui luttait de tous ses sabots
contre les assaillants armés jusqu'aux dents, il était l'animal sauvage
que j'avais suivi en forêt.
Voyant ma mine incrédule, il entreprit de m'expliquer toute son
histoire et celle de son peuple. Il me raconta que sa cité était
autrefois protégée par un dragon arc-en-ciel qui éloignait les armées
ennemies ou les détruisait. La ville était prospère et orgueilleuse, au
faîte de sa gloire, jusqu'au jour où un puissant sorcier leur jeta un
sort. Le dragon devint mauvais, exigeant un sacrifice toutes les
pleines lunes pour satisfaire son appétit, les gens de la ville qui
n'étaient pas déjà créatures mythologiques se transforma, adoptant des
formes et des allures plus horribles les unes que les autres, le palais
royal tomba en décrépitude. La ville qui était autrefois un centre
éclairé et rayonnant devint alors un lieu malsain où il ne faisait pas
bon aller.
La situation empirait jour après jour, jusqu'a ce que le Roi me ramène
pour me punir de mon imprudence. Lorsque je me suis évanoui, la chemise
arrachée, le Roi avait vu le médaillon que je portais au cou, et avait
reconnu le dragon qui les protégeait autrefois. A ce moment je réussis
à l'interrompre pour prendre des nouvelles de la dragonne qui n'avait
tout au plus que quelques contusions. Soulagé, je laissai le Roi finir
son histoire.
Mais une douce musique s'éleva alors dans la tente, qui ne semblait pas
intriguer ni le Roi, ni Evezhierez, ni les autres. Pourtant il n'y
avait aucun musicien. Le Roi poursuivait son récit, me disant je crois
que je les avais libérés car j'étais lié à la dragonne depuis la
naissance. Je n'écoutais plus ce qu'il me disait. J'avais trouvé d'où
provenait le son enchanteur de la harpe celtique.
C'était Sa harpe, et Elle
était là, au milieu des flammes, jouant merveilleusement un air
magnifique, et très triste. C'était un adieu. Je sentais mon corps qui
s'endormait et vis Evezhierez se rapprocher. Ils allaient encore me
ramener à la réalité, et je ne La reverrai plus...
Les dernières notes de la harpe m'accompagnèrent durant tout mon
sommeil, et bien plus tard encore, une fois revenu à moi près de mon
vélo, et même encore une fois rentré dans mon petit appart rennais...